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E S P A C E S . . .

Masses Spatiales

les instruments Le "site"

Coïncidences et fantômes | Étendue et résolution | Relatifs ou absolus | Distances projetées | Valeurs

   C'est l'attribut de la masse spatiale qui semble a priori le plus facile à définir, et c'est même souvent le seul qui soit pris en compte lorsqu'on parle de "spatialisation". Et pourtant !
Le site serait la zone correspondant à l'impression de localisation, plus ou moins précise ou diffuse selon les valeurs des autres attributs.

 

 Masses
 coïncidentes et
 sites fantômes

   Sur le plan de la perception autant que pour la réalisation, l'aire et le site sont toujours étroitement liés.
Prenons un exemple.

   Dans les techniques de "spatialisation" les plus simples (c'est à dire celles qui permettent de traiter quelques attributs de la masse spatiale) comme celles qui sont basées sur les modules "surround" de nos logiciels multipistes, la présentation visuelle des outils permet de situer sur les différents canaux d'un dispositif de projection qui en comportant le plus souvent de 5 à 8, un objet dont la masse-canal initiale est généralement égale à 1 ou 2 (mono ou stéréo).

   Lorsque l'aire de la nouvelle masse est égale à 1 (en nombre de canaux), l'objet est projeté par un seul canal / enceinte. C'est ce qui est représenté sur les trois premières vues : le site est tour à tour égal aux canaux Avant-Gauche, Centre et Avant-Droit (voir sur la page consacrée à l'aire la description des points de vue), la masse spatiale est toute entière supportée et définie à chaque fois par un seul canal / point de projection, le site coïncide avec la masse-canal.
   Dans ce cas on a l'habitude de nommer le site "position", un peu comme pour le critère de masse spectrale lorsque le spectre est "pur" (une seule fréquence) et qu'on le nomme "hauteur".
   Les différences de valeur du site sur les trois vues si elles sont enchaînées correspondent à une translation discrète, analogue à une transposition de hauteur dans le domaine de la masse spectrale (voir les variations de masse).

   Par contre, si l'on regarde (et écoute, j'espère bientôt...) la quatrième vue, la masse spatiale y est répartie sur deux canaux : la masse-canal est égale à 2 et l'aire est délimitée par les canaux Centre et Avant-Droit. Le site apparent, tout du moins si l'auditeur est placé au point focal du dispositif (l'endroit où convergent les lignes), se situe juste entre le canal central et l'avant-droit (lorsque la densité est égale sur les deux canaux et l'organisation homogènbe, n'oublions pas).
   Cette technique de panoramique d'intensité décrite à propos de la projection directe met en jeu pour se réaliser un changement temporaire de l'aire (au minimu de 1 à 2 canaux) associée à une variation de la densité.
   Du point de vue de la masse-canal, un objet "monophonique" projeté par une seule enceinte ou réparti sur deux constitue donc deux cas différents, ce qui correspond bien à la réalité du support, de la projection et du son.

   La perception spatialement floue du site dans le quatrième cas lui vaut le nom de "fantôme". Contrairement à un site coïncident, un site fantôme possède toujours une masse-canal égale ou supérieure à 2. Il n'y a pas de limite à l'aire d'un site fantôme (la technique VBAP utilise deux ou trois canaux), tout ce qu'on peut constater, c'est que plus l'aire est importante plus la perception du site devient floue et tend à disparaître en tant que telle...

 

 

 Le site, l'aire
 et la résolution

De la combinaison de ces trois attributs dépendent les possibilités de localisation du site.

Lorsque la masse-canal est égale à 1, il y a forcément coïncidence entre celle-ci et la masse apparente. La précision de la localisation est maximum (en fonction des autres critères bien sûr). L'équivalence dans le domaine spectral serait le "son pur".

Lorsque la masse-canal est supérieure à 1, que l'aire est faible et qu'elle est égale à la résolution, le site peut être défini plus ou moins précisément. Si l'organisation est homogène on obtient un site fantôme. L'équivalence dans le domaine spectral serait le "son tonique".

Lorsque l'aire est supérieure à la résolution (objet mauve) ou lorsque la forme est complexe (en bleu), il n'est plus possible de définir le site. L'équivalence dans le domaine spectral serait le "son inharmonique".

 

 

 Sites relatifs ou
 absolus

   Dans le domaine des masses spectrales simples (son tonique, son pur), on sait que les auditeurs peuvent percevoir les hauteurs d'une manière "absolue" (« c'est un ré# 4 un peu bas...»), d'une manière relative (« il y a un intervalle de tierce mineure entre deux hauteurs successives...»), ou les percevoir mais ne pas savoir les analyser (le cas de l'auditeur lambda...).

   La question peut se poser aussi pour l'attribut de site, mais dans des termes différents puisque la référence "absolue" ne peut pas être physique (la lattitude et la longitude ?!) mais forcément arbitraire.
   C'est d'ailleurs un des paradoxes de l'espace que de pouvoir se soumettre à des délires géométriques et numériques d'une incroyable précision (souvent inutiles...) tout en étant basé sur aucun repère absolu perceptif !
   Donc, si j'évoque ici la possibilité de sites relatifs ou absolus c'est en référence d'une part à l'auditeur qui représente le point d'observation, dont la position est généralement variable, et d'autre part au lieu précis où se déroule l'écoute ou à la position particulière des enceintes du dispositif de projection.

   Selon la formule de présentation considérée et le dispositif de projection, l'une de ces deux conceptions pourra être dominante : par exemple celle du site relatif en pentaphonie domestique et celle du site absolu par rapport au lieu dans le cas d'une installation.
   Mais ce n'est pas si simple, car la manière dont les masses sont organisées, l'écriture et la composition spatiale peuvent provoquer pour une même situation des points de vue différents.

Comment décrire le site ?
- solution 1 : nommer les canaux du dispositif de projection utilisés, par rapport évidemment à une disposition de référence connue. Comme énoncé au début, ceci ne permet pas de décrire le site entendu, juste de connaître quels sont les canaux utilisés, qui peuvent permettre de définir le site selon les valeurs des autres attributs et des autres critères ;
- solution 2 : déterminer l'angle et la distance (distance projetée) par rapport à l'auditeur, en degrés et en mètres (distance absolue) ou en pourcentage du dispositif ou même du lieu (distance relative) du site perçu, lorsque cela est possible... Des valeurs très précises n'offrent que peu d'intérêt en dehors de petits dispositifs dans un petit lieu possédant un rôle du milieu très faible (pentaphonie domestique) ou nul (chambres anéchoïques).
   Ceci n'est possible et n'a de sens que pour les dispositifs et les formules où la place de l'auditeur est fixe et connue (voir les valeurs des sites).

Valeurs des attributs de  
masse spatiale et des  
autres critères  
nécessaires à  
l'émergence du site  

   Comme pour l'attribut de hauteur du critère de masse spectrale (si on transpose cette terminologie) dont l'émergence dépend de la combinaison de sa forme (le degré d'harmonicité : sons toniques), de sa densité (les harmoniques inférieurs doivent être plus intenses que les harmoniques supérieurs), de son aire (une masse étroite, réduite à une seule fréquence), l'attribut de site de la masse spatiale apparait en tant que tel à la perception lorsque :
- l'aire est faible ou étroite dans l'axe perpendiculaire à l'auditeur, les meilleures conditions étant lorsqu'elle limitée à un seul canal ;
- la densité est centrée sur un point particulier (dans le cas de masse-canal supérieure ou égale à 2) ;
- la forme est alignée dans la direction de l'auditeur ;
- l'organisation est homogène ;
- la masse spectrale est assez complexe et principalement située dans les médiums et les aigus ;
- l'image de distance de l'empreinte spatiale est nulle ou faible, de même que l'image de lieu ;
- l'animation de la masse spatiale est non nulle, les variations des attributs (profils et entretiens) favorisant la localisation.

 

 

 Le cas des
 "distances
 projetées"

 

 

 

   En dehors des acousmates habitués à la projection en concert, il semble curieusement que beaucoup de personnes considèrent la perception de la distance comme devant nécessairement relever de la simulation, de l'image d'espace.
   Il s'agit certainement d'une survivance des habitudes liées au dispositif stéréophonique, ou, dans le cas des projections simulées, d'une contrainte inhérente à la technique utilisée où les haut-parleurs doivent se situer à égale distance de l'auditeur oubien être alignés sur une seule rangée.
   Ce qui est plus surprenant, c'est lorsque des acousmates, pourtant aguéris à la projection interprétée, ne trouvent rien de mieux comme placement des enceintes que de les répartir le long d'un cercle... disposition où il est impossible de jouer sur les différences de distances du site.

   Bref, sans passer sous silence d'éventuelles contraintes économiques (des canaux en plus ?), ou encore les limites techniques imposées par certains lieux (dans le cas de l'écoute domestique il est difficile, et d'ailleurs inutile, de placer des enceintes à différentes distances de l'auditeur), il serait dommage de ne pas jouer sur les différences de distances des plans de projection.

   On pourra me rétorquer que les dimensions des studios où s'effectue la composition permettent rarement d'expérimenter les projections distantes réelles.
   Depuis le temps que je compose en multiphonie et que je peux comparer ce que j'ai réalisé avec ce qui est projeté en public, je peux dire que ce qui compte avant tout, ce sont les distances relatives (à l'intérieur d'une marge "raisonnable"). Si les proportions du dispositif de projection sont respectées, si l'acoustique de la salle ne vient pas tout bouleverser, les rapports sont conservés et l'œuvre correctement rendue (même un peu mieux ! voir Un problème de taille).

   Des différences de distance entre les sites de plusieurs objets, ou des profils de sites qui se traduisent en variations de la distance projetée n'ont évidemment de sens que du point de vue de l'auditeur. Sur le schéma ci-contre, la différence entre les sites de l'objet vert et de l'objet bleu (masse-canal = 1) est perçue comme différence de distance pour l'auditeur symbolisé par la croix bleue, mais comme différence angulaire frontale pour celui qui correspond à la croix mauve. Il y a deux points de vue de l'auditeur mais un seul point de vue du dispositif.

 

 

 Valeurs des sites

   Percevoir un son comme se situant devant, derrière, au-dessus ou au-dessous de soi n'est pas équivalent sur le plan perceptif ni anodin sur le plan "psychique".
   Si on accepte l'idée de critère de masse spatiale, si on considère le site comme un élément du son au même titre que la hauteur mélodique, il faut alors reconnaître qu'il s'agit à chaque fois d'un son différent, représentant des valeurs perceptives et compositionnelles différentes.

   La même dualité d'analyse existe pour tous les critères sonores : un son modifié par transposition d'une tierce vers le grave est-il un autre son ou le même à une autre hauteur ? L'acousmate formé au Traité des objets musicaux penchera pour la première solution, le musicien (instrumental) choisira certainement la seconde.
   Oui, ce nouveau son partage de nombreux aspects de ses critères avec le précédent, mais il est bien autre : non seulement il n'a pas la même hauteur de base (si elle était perceptible), mais il n'a pas non plus la même durée et donc la même énergie, la même manière de se développer. Plus qu'un changement de hauteur, la transposition a modifié tous les rapports entre critères.

   Pour en revenir à notre site, les différents points de projection ne sont pas non plus équivalents par rapport à l'auditeur, et introduisent également des changements dans les rapports entre critères, peut-être moins évidents que pour la hauteur (ou bien est-ce parce qu'on ne sait pas les reconnaîtres ?) mais néanmoins bien réels.
   Par exemple, selon le cas, le site sera plus ou moins bien défini, précis ou flou, et le spectre légèrement différent (certainement plus sourd s'il provient de l'arrière).

   Et puis, et c'est peut-être le plus important, notre corps possède une orientation (devant / derrière) et une symétrie (droite / gauche). La plupart de nos organes des sens et notamment la vue sont orientés devant nous.
   Jusqu'à preuve du contraire, l'audition est le seul sens qui nous permette de recevoir des informations de l'ensemble du monde qui nous entoure simultanément (avec la vue ou le toucher notre représentation ne peut être que séquentielle).
   Mais cela ne veut pas dire pour autant que toutes les directions soient équivalentes : ce n'est pas vrai sur le plan de la perception (différences de localisation), et pas non plus sur le plan du sens, de la valeur que nous y attachons, par réflexe, par entraînement ou par culture.
   De plus, n'oublions pas que s'il s'agit d'un critère sonore et qu'il se réferre généralement à une œuvre composée : on peut donc supposer qu'il y a d'autres sons avant, après et en même temps...

   Comme pour son équivalent dans le domaine de la masse spectrale - la hauteur -, le choix de tel ou tel site correspond à la fois à une valeur "purement sonore" et à un sens qu'on y attache.
   Par exemple la valeur "anecdotique" («je suis le haut-parleur de gauche» dans le Scherzo de la Sonate Baroque d'Alain Savouret), la référence au vécu (ce qui se situe derrière est plus surprenant ou inquiétant que ce qui se situe devant, car d'habitude plus prévisible), ou le renforcement ou la contradiction avec d'autres critères... (voir L'écriture spatiale).