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E S P A C E S . . .

Masses Spatiales

les instruments Variations de masses

Profil et entretien | Mouvements ? | Variations | Types de variations | Valeurs des variations

Après avoir consacré tant de temps et de lignes aux tentatives de description du critère de masse spatiale et de tous ses attributs, il pourra sembler étonnant de consacrer cette seule page aux variations du critère, d'autant que pour beaucoup espace sonore est synonyme de mouvement.

La raison en est simple : une fois le critère et ses attributs correctement définits, les variations de ces attributs sont assez facile à décrire et comparables aux variations déjà décrites dans le Traité des Objets Musicaux à propos de la masse spectrale.
L'ensemble de ces variations peut être décrit selon la formule de Schaeffer comme "la façon dont le son se prolonge ou non dans la durée".

 Le profil et
 l'entretien ?

Le profil, pour reprendre les termes Schaefferien, représente une macro-variation temporelle d'un critère (masse ou dynamique par exemple), alors que l'entretien rend compte des variations structurelles internes, initialement données par la manière dont le son a été mis en vibration ("Grain" et "Allure").
Une autre terminologie, plus "moderne" mais aussi plus technique dans sa formulation, consiste à parler de l'enveloppe et de la modulation, pouvant être aussi bien comprises comme technique utilisée (enveloppe d'automation, modulation par un oscillateur basse fréquence) que comme caractéristiques sonores.
Tout comme le profil, l'enveloppe correspond à l'idée d'une évolution limitée dans le temps, fermée sur elle même, partant d'un point pour aboutir à un autre à l'issue d'un parcours plus ou moins accidenté, alors que la modulation, comme l'entretien, rend compte de l'animation qui reflète la vie interne du son, les soubresauts réguliers ou non dûs à l'énergie qui lui est continuellement apportée, qu'elle soit matérielle (mécanique, électrique) ou logique (logiciels).

Je suis partagé, car si cette double signification peut être pratique, elle peut également prêter à confusion en détournant une fois encore l'écoute du son vers ce qui l'a ou le produit...

Mais bon, qu'importent pour l'instant les termes précis du moment qu'ils permettent de rendre compte de la réalité des sons.
Et à ce titre, il faut reconnaître que la distinction entre macro-évolution simple et animation interne est un artifice qui n'est peut-être d(ailleurs plus vraiment utile aujourd'hui. La frontière ténue qui existe entre les deux a conduit Schaeffer à catégoriser (ou a été faite pour permettre la catégorisation) des types d'objets sonores "convenables", en laissant de côté la majorité de ceux avec qui on travaille finalement le plus souvent, peu "convenables" mais tellement intéressants !

Le qualificatif général de variation suivi de l'attribut auquel il s'applique m'apparaît finalement comme étant peut-être plus approprié, au moins dans le cas des critères d'espace.
Le critère de variation de la masse spatiale serait alors simplement la description de l'évolution temporelle de ses attributs, quelle que soit l'échelle d'observation, qu'il s'agisse de sa macro ou de sa microstructure.
Cette réflexion rejoint celle sur l'écriture et la composition spatiale.

 

 

 

 Mouvements ?

On a l'habitude de dire qu'en son projeté (quelle que soit la technique) les mouvements spatiaux des sons que l'auditeur perçoit sont des illusions, des simulations de mouvement, et on en donne pour preuve que si on déplace un haut-parleur, là il y a bien mouvement réel de la source.
Or c'est justement confondre mouvement de la source et mouvement du son, tel qu'il est transmis par le milieu et tel qu'il est perçu.
Certes, selon la distance angulaire qui existe entre deux projecteurs sonores (par rapport à la place qu'occupe l'auditeur), il peut être fait usage de techniques comme le panoramique d'intensité, qui créent des "positions fantômes" entre les points qui seraient eux des "positions réelles".

On l'a vu, si on abandonne cette description technique pour celle des attributs de masse spatiale, on assiste dans ce cas à des variations conjointes du site et de l'aire qui représentent bien un mouvement dans le son, comme un glissé de hauteur représente un mouvement interne du critère de masse spectrale qu'il corresponde ou non au déplacement proportionnel d'un doigt sur une corde ou d'une coulisse emmanchée sur un tube...
La transmission aérienne de cette variation se traduit par une masse entendue variable, "en mouvement".
Ce mouvement du son qui est perçu est bien sûr différent de celui qui serait produit par une source mobile. Mais si on arrête de se référer toujours à ce que serait la production "naturelle" du son (c'est à dire sans haut-parleur), on peut s'intéresser à cette variation en elle même, la traiter, la reproduire, l'intégrer dans une composition.
Ce mouvement n'est pas plus "simulé" que tous les autres aspects du son, et pour l'acousmate qui le façonne, pour l'auditeur qui l'écoute, il s'agit bien d'un phénomène réel, enfin autant que peut l'être un son...

Par contre attention : ces mouvements de masse ne sont pas pour autant assimilables à des trajectoires dessinées sur un papier ou un écran d'ordinateur : ce sont des phénomènes complexes, conjuguant tous les aspects de l'objet sonore.
Ce qui n'empêche qu'avec certaines combinaisons de masses spectrales, d'entretiens, de dispositifs de projection, d'espace extrinsèque etc. ils peuvent dessiner dans l'espace de projection des trajectoires remarquables de précision sonore, de "matérialité" (j'en suis d'ailleurs assez gourmand...) s'ils sont guidés "à l'oreille".

 

 

 Variations des
 attributs de
 masse spatiale

 

Une variation, qu'elle concerne la masse spatiale ou un autre critère, peut toujours être considérée de deux façons : comme variation faisant partie de l'objet ou comme variation appliquée à cet objet, puisque l'on se place ici du double point de vue de celui qui écoute et de celui qui fait (car celui qui fait écoute aussi ! normalement).

Ces deux exemples représentent assez bien ces deux tendances complémentaires :
- la capture microphonique d'un corps sonore en déplacement faite avec un système à quatre capsules produirait un objet tétraphonique (de masse-canal = 4) dont l'organisation ferait apparaître un profil de site interne ;
- la réalisation d'un profil de site à l'aide d'un module "surround" sur quatre canaux comme traitement d'un objet de masse-canal initiale monophonique.

Qu'est ce que cela change ?
Du point de vue de l'auditeur, il n'est pas sûr que la différence saute aux oreilles, mais du point de vue de l'acousmate cela peut correspondre à une méthode de travail particulière, ou représenter une manière de concevoir des "attributs en cascade". Comme par exemple la translation du premier objet tétraphonique cité, qui posséde un profil de site interne (son organisation), sur un dispositif de projection à douze canaux où le profil résultant serait une sorte d'intermodulation du profil initial et de la translation globale... (schéma ci-contre).

La manière la plus commune de penser et de réaliser des "mouvements", dans une écriture "cinétiques", consiste généralement à faire varier le site de la masse spatiale, avec une valeur d'aire faible, le plus souvent égale à 1 ou 2 canaux voisins.
Or, dans le cas de masses-canal supérieures à 2, l'organisation peut jouer un grand rôle dans l'impression de mouvement, plus riche et plus subtile que la simple translation de site. Les autres variations des attributs d'aire, de forme et bien sûr de densité, trop souvent oubliés dans les conceptions cinétiques, renouvellent et enrichissent pourtant la notion habituelle de mouvement.
 

attribut

variation de l'attribut de masse spatiale

perception (ce qui varie)

analogie spectrale

Site

translation discrète lorsque la valeur de la masse-canal est conservée ou translation continue lorsqu'elle est obtenue par variations de densité (couplée à la variation de l'aire)

"saut" ou mouvement discret, peut être assimilable à un "trajet" lorsque l'aire est nulle ou faible ("source ponctuelle") et les points de projection proches

sons purs ou toniques : variation mélodique scalaire ou glissée

Aire

changement des valeurs en XYZ (selon le dispositif de projection)

élargissement / rétrécissement de l'objet lorsque l'organisation est décorélée, changement de la valeur apparente du site lorsque l'organisation est homogène

filtrage variable, ...

Résolution

subdivision d'une aire ou d'une forme selon les canaux permis par le dispositif de projection, change obligatoirement la valeur de la masse-canal

modification de la précision du site, de l'aire ou de la forme

(changement du nombre de notes d'un accord entre la plus grave et la plus aigue)

Densité

variation individuelle des valeurs d'intensité des canaux qui constituent l'objet

valeur apparente du site, de l'aire ou de la forme lorsque l'organisation est homogène,

sons nodaux, sons cannelés variables, morphing spectral

Forme

translation individuelle des points de projection, discrète ou continue, en fonction de ce qui est permis par le dispositif de projection

déformation plus ou moins perceptible de la figure spatiale représentée mentalement, extrêmement variable selon le type et les valeurs de l'organisation

(changements d'accords)

Organisation

variations des autres critères différentes selon les canaux

multiple...

??

 Types de
 variations

On peut lire chez Annette Vande Gorne ou Jacques Lejeune (et d'autres, voir la bibliographie) la description de gestes simples utilisés lors de projections interprétées, sous le terme de "figures d'espace". De nombreuses représentations visuelles de "trajectoires" remplissent également les articles sur les outils de "spatialisation".

Mais que sont donc ces "figures" et ces "trajectoires" ?
Des profils de masse spatiale, bien sûr !

Dans une optique instrumentale, qui est, ne l'oublions pas, celle de la projection interprétée à laquelle se réfèrent Lejeune et Vande Gorne, il est légitime et certainement utile de répertorier des variations de masse spatiale correspondant à des actions spatiales globales à effectuer. Il ne faut en effet pas oublier que celles-ci ne s'appliquent pas aux objets sonores dont l'œuvre est constituée mais au mixage pocophonique complet, généralement à deux canaux : l'œuvre est considérée alors comme un "gros objet".
La simplification des actions inhérente à toute transmission de gestes est néanmoins cohérente dans le cadre proposé, et comme ces actions s'effectuent la plupart du temps selon la technique du contrôle direct des intensités, elles s'apparentent toutes à des variations de la densité, pouvant être perçues entre autres comme des profils du site (translation) ou de l'aire (figures "en éventail" par exemple).

Les logiciels dédiés à la "spatialisation" s'adressent quant à eux à un travail de studio sur des objets sonores individuels ou à un jeu instrumental en concert, généralement sur des sources instrumentales séparées.
Le propos et les moyens mis à disposition sont donc assez différents, puisque contrairement à la "console de diffusion" qui reste encore le plus souvent le seul outil utilisé lors des projections interprétées et est parfaitement adaptée au contrôle de la densité, le pannel de ces outils s'oriente plus, voir exclusivement (cf HoloPhon ou Imeasy), vers les variations du site et de l'aire combinés, c'est à dire la dimension cinétique souvent décrite par le terme de "trajectoires".
Contrairement à la simplification des descriptions de "figures d'espace" données par certains acousmates, ces logiciels et systèmes brillent le plus souvent par une sur-précision des représentations et des valeurs de paramètres, pouvant aller jusqu'à établir une sorte de réalité parallèle au son dont le résultat me semble finalement constituer une autre simplification, cette fois par excès de précision inadaptée...

Enfin, si l'on considère les variations de masse spatiale comme un critère du son, on peut dégager les types de variations suivants, pouvant recouper certaines descriptions de "figures d'espace" ou certaines représentations de "trajectoires".
 

type de variation

description

variations des critères de masse spatiale

(constant, invariant)
 

(c'est à dire pas de variation du tout...)

(site, aire, densité, forme, résolution, organisation sont fixes)

directionnel, vectorisé

profil linéaire ou non, orienté, enveloppe non bouclée

site : translation d'un point de projection à un autre, scalaire, ou continu s'il est couplé à une variation de l'aire cyclique (mouvement selon une ligne ouverte)
aire : "éventail" ou rétrécissement
densité : variation d'intensité globale, déplacement du barycentre du site si l'organisation est homogène
forme : déformation...
organisation : trop complexe et variable pour être décrit...

alternatif
 

alternance entre deux valeurs / états ; la variation alternative peut être considérée comme un cas particulier de la variation cyclique qui représente un schéma mental original et caractéristique

site : saut entre deux positions (le célèbre "ping-pong" stéréo !), pouvant être perçu selon sa vitesse comme mouvement ou comme organisation
aire, densité, forme : pulsation...
organisation : trop de cas possibles pour être décrit...

cyclique
 

profil plus ou moins complexe bouclé, répétition d'une même formule, entretien plus ou moins périodique

site et aire : mouvement plus ou moins complexe qui se répète, tremblement...
densité : ondulations...

aléatoire ou chaotique
 

complexe ou imprévisible

site : translations en lignes brisées, agitation autour d'une position moyenne...
densité : perturbations, "scintillement"...
aire, forme et organisation : trop complexe et variable pour être décrit...

 

Ces types de variation sont très souvent associés entre eux, soit par combinaisons pour un même attribut (par exemple une variation de site qui associe à une variation globalement linéaire un mouvement alternatif, figure ci-contre), soit parce que chaque attribut peut être le siège de variations différentes.
Se pose dans ce cas la pertinence perceptive de ces variations : sont-elles entendues ou reconnues ?
Si par "entendues" je veux dire que je peux remarquer leur absence, on peut supposer que la plupart des variations de masses spatiales peuvent être audibles, comme le sont toutes les qualités de l'objet sonore, que l'on en ai conscience ou pas.
Pour ce qui est de leur identification, c'est une autre histoire, qui dépend entre autres choses de la complexité polyphonique de l'œuvre et bien sûr de la valeur "symbolique" qu'on leur attribue.

 

 

 Valeurs des
 variations

La question qui se posait pour les archétypes de forme, se retrouve ici avec encore plus d'accuité : certains types de variations de certains attributs possèdent-ils des caractéristiques particulières qui, dans certaines conditions dépendant du dispositif de projection et de la combinaison de tous les critères sonores aboutit à la formation d'images mentales possédant une valeur "spéciale" ?

L'idée "d'écriture spatiale" est souvent basée sur cette supposition un peu naïve si elle se limite à cela, mais possédant des bases neurologiques aujourd'hui bien assurées (voir bibliographie).
Le mouvement, quelle que soit sa nature, visuelle, sonore ou proprioceptive semble représenter une catégorie de perception particulière qui fait qu'il est traité par des zones du cerveau communes quelle que soit l'origine de la perception.
Le concept de rotation, pour prendre le plus caricatural des mouvements, semble indépendant du fait qu'il s'agisse d'un mouvement du corps, de la vision d'un objet sur un écran ou, dans le cas qui nous préoccupe, de la variation d'un profil de site de masse spatiale.

Quelle valeur possède une variation donnée ? Comment sa représentation se situe-t-elle par rapport à la représentation de notre corps, peut-il être porteur de sens et d'affects ?

À suivre ;-)