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On a vu que l'existence de la formule-concert en projection interprétée avait introduit une dissociation entre ce qui est composé (ce qui est fixé) et ce qui est donné à entendre à un public. Bien qu'il s'agisse, sur le plan des techniques de projection, d'un cas particulier, le fait que cette méthode soit de loin la plus représentée encore aujourd'hui a contribué à donner au dispositif et aux choix qui l'accompagnent un rôle conjoncturel, ne relevant la plupart du temps pas de la composition.
Une approche
différente, mais qui en fait conduit au même statut non significatif des dispositifs de projection,
résulte de l'adoption de techniques de projections simulées. Avec la Wave Field Synthesis
par exemple, les lignes constituées de nombreux haut-parleurs permettent théoriquement
la formation de masses spatiales en n'importe quel point situé à l'intérieur
de l'espace circonscrit par ces lignes, sans rapport
direct avec la position des enceintes elles mêmes.
Sans aller jusqu'à
utiliser cette technique encore très lourde et imparfaite, un grand nombre de
compositeurs partagent néanmoins cette conception et choisissent le plus souvent
les dispositions
les moins différenciées, centrées et équidistantes, visant à produire une "holophonie"
plus ou moins efficace. Le cercle
de huit haut-parleurs que l'on trouve dès que quelqu'un se lance dans la multiphonie
en représente la version la plus simple.
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Malgré tout, pour un compositeur préoccupé par la création d'œuvres qui soient spatialement intéressantes, la manière la plus efficace pour obtenir des espaces composés complexes et auditivement maîtrisables nécessite de répartir un certain nombre de haut-parleurs dans le lieu d'écoute en fonction de son propos compositionnel spécifique. En effet, en projection directe, il n'existe
pas et ne peut exister de disposition "naturelle", qui
permettrait de façonner toutes les masses spatiales imaginables
et écoutables. Tout ceci pourrait être considéré comme des critiques
de la projection directe qui donneraient à la Wave Field Synthesis
des allures de Saint Graal ! Donc, pour résumer, tout choix de nombre
et de disposition de projecteurs sonores est totalement arbitraire,
c'est à dire qu'il
est entièrement lié au propos artistique, qu'on le fasse sciemment ou
non *. |
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Parallèlement à la diversité et à la richesse d'expressions permises par l'intégration artistique des dispositifs de projection, il existe aussi des constantes dues principalement à la formule de présentation choisie (concert, domestique, installation...), et aussi à la pression de contraintes matérielles (nombre de canaux de projection, dimensions du lieu...), à l'existence de standards plus ou moins bien définis (17.1...), ou simplement à des habitudes. Ces constantes viennent en quelque sorte diriger ou équilibrer l'éventail des possibles pour faciliter ou même permettre la réalisation, la diffusion, l'échange des œuvres composées. Il existe un cas où la pression de ces constantes
est déterminant : c'est bien évidemment celui des dispositifs de projection
domestiques. Il est impensable, en dehors de cas particuliers, de
demander à la personne qui achète un DVD ou qui navigue sur Internet
de changer l'emplacement de ses haut-parleurs pour qu'ils correspondent
aux souhaits de l'auteur. Et d'ailleurs, il
faudrait déjà qu'ils soient correctement placés ! L'autre cas où des constantes peuvent être souhaitables, même si elles ne sont dictées par aucune nécessité matérielle, c'est celui des écoutes publiques de type séance ou concert, voir les Formats standards. Heureusement, il reste toute l'étendue des installations, où là, par définition, le reproductibilité n'est pas un critère important. C'est même souvent la singularité qui prime, et le compositeur peut librement choisir ses contraintes pour le déploiement des dispositifs de projection et pour la place et le rôle du public. |
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Notes * ** |
Lorsqu'un acousmate réalise une œuvre stéréophonique en l'écoutant sur les deux enceintes de son studio, il a bien choisi ce format, même s'il représente "le choix par défaut", c'est à dire celui qui est proposé si l'on ne se pose pas la question de ce choix... J'insiste peut être un peu trop lourdement sur ce point, mais c'est parce que le plus souvent la simple mention du nombre et de la position des enceintes est curieusement "oubliée" lorsque l'on parle d'espaces sonores. On peut ainsi voir des représentations d'extraordinaires trajectoires, lire des pages entières sur des "figures d'espace", mais sans jamais savoir comment elles sont produites, comme si les sons pouvaient exister indépendamment de ce qui les génère (cela dit, dans ces cas là on fait aussi généralement abstraction des sons eux-mêmes !!!). |