… car il
faut bien en parler!
On a actuellement à notre disposition deux environnements complémentaires
: des logiciels multipistes sur disque-dur et des échantillonneurs
(et synthétiseurs) (je ne parle pas des multipistes linéaires,
car si leur utilisation comme support final reste intéressant,
leur utilisation pour composer est par trop limitée et contraignante
sans rien apporter véritablement en retour). Si les premiers font
régulièrement des progrès (cf. le dernier Logic audio
par exemple) ils sont encore limités à la gestion d'objets
simples (positions, tailles simples ou légères balances),
et c'est encore les seconds qui permettent une intégration efficace
et complète grâce à la gestion interne de leurs différentes
sorties.
L'autre avantage de l'échantillonneur et de la composition MIDI
c'est qu'une simple séquence peut "contenir" un objet
multiphonique aussi complexe que l'on veut sans s'embarrasser de pistes
parallèles et de courbes de volume. C'est aussi le meilleur moyen
pour contrôler ce paramètre gestuellement, facilement et
efficacement (via contrôleurs MIDI standards ou non) en interaction
avec les autres aspects de l'objet. C'est encore la possibilité
d'appliquer des modulations irréalisables par d'autres moyens.
Certains attendent encore LA machine ou LE logiciel qui gérera
enfin l'espace d'une manière intuitive (graphique) et souple. C'est
non seulement inutile (pour l'instant) mais surtout, si cette fonction
se rajoute après la gestion du son (comme dans un mixage de musique)
on se retrouve encore dans une optique de diffusion, non de réelle
intégration à la composition (ce sera de toute manière
quand même bien venu…). [2001 : ça y est ! voir la page consacrée
aux logiciels].
Le plus gênant dans cette attitude, c'est qu'elle repousse encore
à une époque hypothétique quelque chose qu'on peut
faire depuis déjà pas mal de temps, d'autant plus que le
travail à faire sur soi est important.
Le changement pour l'acousmate est qu'il peut manipuler directement des
objets multiphoniques tout en conservant la démarche concrète,
l'interaction continuelle avec ce qu'il entend. Évidemment, cela
remet en question la pratique, les méthodes personnelles utilisées
jusqu'alors. Il faut bien trouver où situer ces nouvelles préoccupations
(dans la chaîne des actions créatrices de son et compositionnelles)
et comment les aborder techniquement. Plus grave (!), la plupart des schémas
spatio-temporels acquis dans l'écoute stéréophonique
sont caduques et d'autres s'imposent, quelquefois avec force, et obligent
à reconsidérer ainsi peu-à-peu presque toutes les
notions d'écriture et de formes préalables. En plus, il
faut bien l'avouer, même si des machines efficaces ont le mérite
d'exister et de permettre une forme de création acousmatique impensable
auparavant, elles sont loin d'être conçues pour ce genre
d'applications. Il faut ainsi réinventer continuellement des moyens
de les détourner, comme d'autres l'avaient fait avec des disques
ou les premiers magnétophones, mais avec peut-être un abord
moins simple.
Quant au
studio, il comporte évidemment autant d'enceintes que de points
de diffusion nécessaires (je rappelle encore qu'il n'y a aucun
lien entre le nombre de "voies de polyphonie" (ou le nombre
d'objets multiphoniques) que l'on peut faire entendre simultanément
et la quantité de haut-parleurs). Ceux-ci sont disposés
en fonction des exigences de l'oeuvre.
Il n'est cependant pas toujours possible de reproduire à l'intérieur
du studio des conditions en tout point identiques à celles que
l'on rencontrera lors de la diffusion en public, excepté pour tous
les dispositifs prévus pour de petites salles. Dans les autres
cas il s'agit de reproduire une configuration à l'échelle,
conservant les proportions et rapports d'intensité (et de timbre).
S'il est difficile dans certains cas limites (vaste espace extérieur
par exemple) de trouver une écoute analogue (mouvements d'éloignement
importants, discrimination entre des points voisins, retards...) l'expérience
prouve que moyennant un petit effort on arrive très rapidement
par l'imagination à rétablir l'échelle voulue, suffisamment
en tout cas pour effectuer un travail efficace...
Arrivé à la diffusion en espace réel, le problème
de l'échelle peut se poser à nouveau mais dans le sens contraire:
les distances donc les durées, donc les vitesses vont être
multipliées. L'écart angulaire peut être respecté
mais des retards, des superpositions non entendus en studio peuvent se
produire. Dans le cas de changements d'échelle importants on peut
corriger les nouvelles proportions par des délais individuels par
haut-parleur (la fonction est intégrée sur les derniers
multipistes modulaires).
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