Le vrai choix
qui se pose donc aujourd'hui à l'acousmate en fait de technique
et d'attitude de composition est finalement celui-ci: composer l'espace
interne (celui inscrit sur le support) au mieux et avec le maximum d'efficacité,
ou vouloir modifier ou ajouter quelque-chose à l'oeuvre lors de
son audition publique.
Les différences justifiant un choix éventuel ne se situent
donc pas tant dans le résultat (et pourtant !) que dans le fait
de considérer comme logique et nécessaire l'intégration
de ce travail aux mêmes étapes de création que les
autres, comme l'aboutissement ou la généralisation du principe
de fixation (et de tout ce qu'il apporte), car faisant appel aux mêmes
types de choix et d'actions.
Cela entraîne l'obligation de définir une implantation et
un type de lieu plus ou moins précis (donc de se poser la question!)
ainsi que l'inutilité / impossibilité d'une "interprétation"
en direct devant le public (cf. § 2).
Finalement : (relative) fixité contre variabilité.
Finie donc
la composition "dans l'absolu" (c'est-à-dire en fait
pour l'écoute idéale du studio), l'œuvre à la destination
indéterminée, il faut définir ce qu'elle est réellement
: objet d'écoute individuelle, grand spectacle, expérience
etc...
La restriction apparente que posent les oeuvres multiphoniques - elles
ne peuvent s'adapter à n'importe quel dispositif et n'importe quel
lieu- représente en fait une valeur ajoutée, tout comme
la fixation de l'instrumentation entre les périodes baroque et
classique en musique a permis à l'écriture orchestrale d'atteindre
les sommets du début du XXème siècle. [je parle bien sûr
de l'écriture orchestrale, pas de la musique]
Détermination rime ici avec diversification. C'est le résultat
commun de toute précision, de toute fixation : fixez un paramètre
et vous pouvez dorénavant jouer avec, l'explorer, et vous vous
rendez compte qu'il est beaucoup plus vaste et multiple que ce que vous
en connaissiez. [c'est ce qui s'est passé avec la fixation du son]
Il est alors normal que les implantations soient quasiment aussi variées
que les oeuvres elles-mêmes ! La multiplicité des formats
d'écoute et de réalisation (nombre de voies et disposition
de celles-ci par rapport aux auditeurs) loin d'être alors une contrainte
passagère dont il faudra vite se débarrasser pour aboutir
à une formule standard est réellement quelque chose de positif
: en fait un merveilleux moyen pour élargir et enrichir encore
le potentiel de l'expression acousmatique.
La tendance "octophonique" actuelle [déjà à
l'époque...] représente en cela un danger : outre que ce
format montre vite ses limites (essayez de composer dix symphonies sur
seulement huit notes !), il serait terriblement réducteur (même
si c'est plus confortable) de se reposer dessus et ainsi de perdre tout
le potentiel de cette démarche. [il est encore bien trop tôt
pour cela !]
Si les chances de faire "tourner" une oeuvre, dans l'état
actuel des systèmes de diffusion (haut-parleurs différenciés
avec comme conséquence le nombre réduit d'enceintes de qualité,
difficulté relative à trouver couramment des systèmes
multipistes compatibles), des mentalités et de toute manière
au vu de la quantité de manifestations consacrées à
l'acousmatique (!), peuvent être significativement réduites
par cette contrainte supplémentaire, cela conduit par contre à
trouver des solutions de présentation peut-être plus adéquates
que ce qui est proposé généralement. Une salle spécialisée
comportant un large dispositif avec un système de routage décent
solutionnerait bon nombre de cas mais reste encore une utopie et surtout
risquerait d'enfermer la production dans un goulot... Plus réaliste
et certainement plus générateur de formes et d'expressions
nouvelles, c'est tout le domaine des séances, expositions, "installations"...
qu'il reste à investir avec la même rigueur et les mêmes
exigences que le concert traditionnel.
Il n'y
a donc pas de meilleur format (nombre de voies réelles de réalisation-diffusion):
1, 2, 8, 12, 16, 21 ou 45 voies... ce qui compte c'est qu'il soit conçu
avec l'oeuvre, nécessaire et non plaqué après coup.
Un support standard, nécessaire pour permettre une circulation
des oeuvres, ne peut être alors que modulaire (à partir d'unités
huit pistes par exemple).
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