a) Les
lieux
Un nouveau problème se pose maintenant à l'acousmate : il
ne suffit pas de posséder le support multipistes, encore faut-il
que soient décrits le lieu type, l'implantation précise
des enceintes associée à l'affectation des pistes du support
ainsi que la place du public (au minimum).
En ce qui concerne les lieux associés à des dispositifs
homogènes (voir paragraphe 8a), il est finalement assez aisé
de les regrouper par types prenant à la fois en compte les critères
de taille (surface et volume), d'acoustique et de topologie.
Si la variabilité de détail est énorme d'un endroit
à l'autre, il convient de dégager néanmoins quels
sont les critères réellement déterminants: qu'est-ce
qui influe directement sur l'équilibre de l'oeuvre fixée
et donc en modifie la perception et qu'est-ce qui agit comme "coloration"
secondaire, éclairage acceptable ne modifiant pas notablement le
sens.
Il semble
possible ainsi de regrouper les lieux selon quatre types principaux :
a. les salles-volumes, vides.
Parallélépipèdes plus ou moins rectangles, c'est
la taille ainsi que l'acoustique qui vont importer. Une répartition
en petites (+/- 50 m2), moyennes (+/- 100 m2) et grandes (+/-200 m2) ainsi
qu'en mate, normale et réverbérante suffit dans la pratique
à garantir une reproduction cohérente. Aptes à tout
type de dispositif, idéales pour les séances et certaines
installations.
b. les salles de spectacle, avec scène et sièges fixes.
On trouve ici:
- le théâtre à l'italienne, de forme et de volume
relativement standards
- la petite salle de spectacle pouvant être plus ou moins étroite
(paramètre très important!) et avec ou sans gradins (plus
ou moins inclinés)
- l'auditorium (salle large)
Là, c'est surtout le rapport longueur/largeur qui conditionnera
le dispositif. Par leur conception et leur topologie, ces lieux sont surtout
adaptés à l'écoute axée collective du concert.
c. l'espace extérieur en champ libre ou avec une ou plusieurs
surfaces réfléchissantes (façade, mur, paroi rocheuse…)
d. et puis, évidemment, l'incontournable rubrique "divers"
(salles multiples, étages...), problématique et passionnante,
nécessitant une description précise ... et une certaine
prise de risque quant à la reproductivité éventuelle.
Il peut en outre y avoir des dispositifs homogènes (comme ceux
qui viennent d'être présentés) ou hétérogènes,
juxtaposant dans un même lieu ou des zones contiguës des mini
dispositifs individualisés.
b) Critères des dispositifs
Réaliser en multiphonie oblige à définir la position
des enceintes par rapport à l'auditeur. Dès lors ce paramètre
devient l'enjeu de choix artistique comme les autres, et suppose d'être
défini avec autant d'ouverture que de rigueur.
Encore une fois, tant qu'un paramètre échappe à la
fixation (donc la manipulation et l'expérimentation) il est réduit
à l'état accessoire de faire valoir ou de coloration: il
ne peut se développer et se limite à quelques stéréotypes.
Prendre alors un peu de recul par rapport aux dispositifs conventionnels
fait apparaître une richesse potentielle extraordinaire qui ne demande
qu'à être explorée et souligne la pauvreté
de l'alternative couramment proposée: plans frontaux ou cercle...
Tout dispositif de diffusion peut être en fait considéré
comme "défectif" par rapport à ce qui serait un
système "total": remplissage uniforme de HP dans toutes
les directions (genre "pelure d'oignons"). Cette conception,
si elle n'est pas toujours applicable, permet néanmoins de conceptualiser
le dispositif avec plus d'efficacité.
- l'"environnement":
l'auditeur est à l'intérieur ou à l'extérieur
du dispositif. Celui-ci peut être partiel ou total
- les dimensions -1, 2 ou 3 (par référence à la géométrie)-
concernent la perception directe du son et non les divers artefacts acoustiques
dus à la réflexion etc. Me plaçant résolument
dans une perspective de la reproductibilité, je n'aborderai pas
ici l'utilisation volontaire de ces phénomènes. Ils ne m'ont
jusqu'à présent jamais posé de problème, rentrant
dans la part acceptable de "coloration" propre à chaque
lieu, sans plus.
- la ou les directions (dans le cas où le public est assis sur
des sièges fixes). Il s'agit de l'orientation des auditeurs par
rapport au dispositif qui peut être voulue ou non, sachant qu'elle
n'est jamais indifférente: on ne composera pas la même chose
selon l'axe
- les plans (distances relatives)
auxquels il faut ajouter la taille (utile - l'espace couvert par les H-P-
et totale - le lieu dans son ensemble-) ainsi que les orientations principales
et secondaires et la zone d'écoute.
Une description plus précise inclue l'orientation des HP ainsi
que leurs caractéristiques globales (type, taille et puissance).
Cela sera
plus explicite avec quelques petits exemples.
Qu'est-ce
qu'un cercle horizontal avec le public à l'intérieur
? |
environnement |
<
|
dimensions |
1 horizontal
(2 s'il y a des "diagonales fictives", voir paragraphe ) |
plans |
1 |
orientation |
vraisemblablement
vers l'extérieur et horizontale |
zone
d'écoute |
centre |
Cette
configuration standard inversée donnerait par exemple : |
environnement |
> |
dimensions |
1 horizontal
(2 s'il y a des "diagonales fictives", voir paragraphe ) |
plans |
1 |
orientation |
vers
l'intérieur et horizontale |
zone
d'écoute |
périphérie
|
Qu'est-ce qu'un "espace scénique" traditionnel (tous
les HP sur scène et le public dans la salle)? |
environnement |
0 (l'auditeur
n'est pas à l'intérieur mais il n'en fait pas le tour
non plus) |
dimensions |
2 (les
différences éventuelles de hauteur dans le placement
des enceintes n'e sont pas suffisantes d'un point de vue angulaire
pour accéder à la troisième dimension!) |
plans |
x (4
ou 5 par exemple) |
orientation |
frontale
+/- panoramique |
zone
d'écoute |
face
au dispositif |
Qu'est-ce
qu'une colonne au centre d'une salle ? |
environnement |
> |
dimensions |
1 vertical |
plans |
1 |
orientation |
quelconque/frontale
|
zone
d'écoute |
tout
autour |
Qu'est-ce
qu'une demi-sphère constituée de plusieurs couches ? |
environnement |
0 |
dimensions |
3 |
plans |
x |
orientation |
azimutale
par exemple |
zone
d'écoute |
centre
de la sphère par exemple |
etc.
c) Représenter
Pour l'implantation, plusieurs cas peuvent se poser:
a. les positions des enceintes forment une figure géométrique
simple: cube, ligne , cercle, colonne, étoile, arche etc.. Il suffit
dans ce cas d'en indiquer les dimensions (taille) et la position par rapport
au lieu.
b. le dispositif n'est pas réductible à une de ces formes;
il convient donc de le décrire précisément. Pour
cela, deux systèmes complémentaires me semblent suffisants.
- "nomenclature" (si le dispositif rentre dans un parallélépipède)
: on indique sous une forme conventionnelle les coordonnées de
chacun des canaux.
Voici par exemple un système à trois dimensions formant
une grille de 5x5x5. "I.A1" représente le coin avant
en bas à gauche, "III.C3" le centre du "cube"
etc.. Le principe en est toujours le même: les trois axes se définissent
par rapport à l'orientation de l'auditeur ou de la salle, les chiffres
romains forment l'axe avant/arrière, les lettres l'axe gauche/droite
et les chiffres arabes l'axe bas/haut. Ce système représente
en fait le plus petit nombre de signes nécessaire pour décrire
des positions.
On peut ainsi définir sous une forme simple à peu près
n'importe quel dispositif homogène.
Exemples: 5x5x5: I.A15E15, II.B3D3, III.C1335, IV.B3D3, V.A15E15 (16 canaux)
8x6x3: I.B2E2, II.A1F1, III.B3E3, IV.C2D2, V.A3F3, VI.C1D1, VII.B1E1,VIII.A3F3
5x5x5: I.A15C3E15, II.B24D24, III.A3C1335E5, IV.B24D24, V.A15C3E15 (24
canaux)
L'intérêt de cette représentation est qu'elle se place
aisément au sein d'un texte et, si elle peut être quelque
peu réductrice ou incomplète, est au moins sans trop d'ambiguïté.
- graphique 3D (ou 2D):
Certainement la manière la plus complète de représenter
un espace à 2 ou 3 dimensions mais qui peut poser des problèmes
de lisibilité. Associée avec la codification précédente,
on dispose d'outils permettant de communiquer avec toute la précision
nécessaire l'implantation d'un dispositif de diffusion associé
à un lieu type.
De tout ceci
il découle que toute réalisation multiphonique doit comporter,
en plus du support multipistes (quelle que soit sa nature) la description
du dispositif complet (lieu type, implantation, place du public, éventuellement
nature des enceintes), le routage pistes/canaux et si possible une "bande
test" permettant l'équilibrage de l'ensemble. Sous ces conditions,
la projection d'une œuvre multiphonique ne pose aucun problème,
et est même plus rapide qu'une répétition minimale
habituelle (affirmation vérifiée à chaque fois).
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